Histoire du FLASH et de la SYNCHRO-X
Flash-back sur le... flash
Nous avons abordé l'aspect technique de la synchro flash ou synchro-X dans le précédent article. Aujourd'hui je vous propose un petit voyage dans le temps où j'aborderai la genèse du flash et dévoilerai (enfin) la mystérieuse identité de cette synchro-X (où X demeure une inconnue pour beaucoup de photographes).
J'en profiterai également pour apporter quelques éclaircissements sur les éléments suivants:
- La prise Synchro PC
- La pose B
- Le mode Auto FP (Nikon)
- La griffe porte flash
(L'objet de cette courte évocation est de nature historique, la technique n'y est abordée que contextuellement et de manière succincte. Les procédés et les modes de synchronisation du flash sont expliqués de manière complète dans cet article. Merci de vous y reporter en priorité si ces notions ne vous sont pas familières).
Au départ étaient les ténèbres... et puis vint le flash...
A la fin du 19ème siècle la découverte de l’inflammation du magnésium et de l'éclair lumineux qu'il procure permet aux photographes d'avoir un outil (peu fiable et dangereux, puisqu'il s'agit d'un mélange chimique explosif allumé sur un plateau ou une coupelle) pour aborder une photographie plus instantanée avec des poses de l'ordre de la seconde (entre 1/5e et 1/20e de seconde selon les tests d'Albert Londe).
Dans les années 1930 l'invention de la lampe flash au magnésium (Paul Vierkötter puis Johannes Ostermeyer) va révolutionner le reportage photo. Le déclenchement se fait par impulsion électrique et l'éclairage artificiel produit par le fil de magnésium enfermé dans du verre devient plus sûr, sans fumée, et génère une lumière plus douce.
Entre 1930 et 1960 ce procédé évoluera et remplacera définitivement l'éclairage à poudre à l'orée des années 50. La simplification d'utilisation apportée par la lampe flash et l'évolution croissante du marché, engagent les constructeurs à proposer des synchronisations flash sur leurs appareils à la fin des années 30 (Kine Exakta, Falcon Press Flash, Agfa Shur-Flash, Kodak Six-20 Flash Brownie box camera). Après la guerre, la synchro flash devient courante sur les appareils.
Le flash électronique quand à lui, naît de la recherche d'ingénieurs français, les frères Seguin, en 1925. Parallèlement le physicien Harold E. Edgerton développe au États Unis, dans les années 1930, une version plus proche de nos flashs électroniques actuels. Les progrès de l'électronique et la miniaturisation des composants autoriseront l'avènement du flash électronique portable dans les années 60-70.
Le défi de la synchronisation, c'est de synchroniser l'éclair de flash avec la pleine ouverture de la fenêtre d'exposition (obturateurs centraux et à rideaux) ou dans le cas des vitesses rapides des obturateurs à rideaux d'avoir un éclair assez long émis pendant le balayage de la fenêtre. Physiquement, quand elle n'est plus manuelle, cette synchronisation est traitée en interne au moyen d'un dispositif électrique ou électronique qui permet le déclenchement de l'éclair à l'instant voulu.
La mise à feu est manuelle et rend bien sûr impossible la synchronisation automatique de l'éclair avec la pleine ouverture de la fenêtre sensible. La seule méthode envisageable consiste, appareil sur pied, à d'abord ouvrir l'obturateur puis à déclencher le flash manuellement pour ensuite refermer l'obturateur, une opération entièrement manuelle qui ne peut manifestement pas prétendre à l’instantanéité. On appelle cette technique la prise de vue en open flash.
Si la lampe flash au magnésium apporte son lot d'améliorations, et en particulier la possibilité d'un déclenchement électrique, il demeure cependant un problème de taille; la durée de l'éclair produit et sa synchronisation avec l'obturateur. À défaut de synchronisation électromécanique efficace ou pour des raisons d'économie (les appareils sophistiqués étant plus chers), la méthode relativement aléatoire de l'open flash continuera d'être appliquée avec les lampes flash et ne cédera le pas à la technique de la synchro flash qu'à la fin des années 1940.
Anatomie de la lampe magnésique
C'est une ampoule de verre étanche remplie d'oxygène à basse pression qui fera office de comburant.
Un long fil d'aluminium-magnésium ou de zirconium à combustion rapide permet de produire un vif éclat après l'allumage.
Un filament de tungstène-rhénium enrobé d'une pâte explosive sert à la mise à feu du fil métallique au passage du courant.
Le verre est recouvert d'un vernis cellulosique dont la fonction est d'éviter le bris de la lampe au moment de l'allumage.
- 1 Culot en verre
- 2 Filament porté au rouge
- 3 Fil d'aluminium-magnésium
- 4 Vernis cellulosique
- 5 Ampoule remplie d'oxygène
- 6 Pâte inflammable
- 7 Pastille de chlorure de cobalt
- 8 fils d'alimentation
Sous l'action d'une décharge électrique le filament de tungstène s'échauffe et enflamme la pâte qui à son tour met le feu au fil d'aluminium-magnésium. L'aluminium-magnésium commence à brûler en donnant une lumière de plus en plus vive pour atteindre un maximum (flux de crête) pour s'éteindre progressivement.
On constate ainsi que le procédé génère une latence à l'allumage et que la combustion du fil d'aluminium-magnésium n'est pas instantanée (entre 1/50s et 1/200s). Très rapidement la nécessité de synchroniser au mieux le pic d'éclairage du flash avec l'ouverture de l'obturateur s'impose.
Avec les premières normes édictées par les entreprises américaines dans les années 1930, une qualité de production plus fiable, la classification des lampes par type en fonction du retard d'émission de l'éclair ( F - Fast, M - Medium, S - Slow ) et la possibilité du déclenchement électrique, les fabricants vont pouvoir concevoir les premiers systèmes de synchronisation et les intégrer à leurs appareils de prise de vues.
Clasification
F | Fast | Rapide (retard à la crête 5ms pour une durée utile inférieure à 10ms) | |
MF | Medium Fast | Semi-rapide (retard à la crête 10-18ms pour une durée utile de 8 à 10ms) | |
M | Medium | Moyen (retard à la crête 18-20ms pour une durée utile de 8 à 12ms) | |
S | Slow | Lente (retard à la crête env. 30ms pour une durée utile de 20 à 30ms) | |
FP | Flat Peak | Destinée aux appareils photo pourvus d'obturateurs à rideaux (focal plane). Cette lampe éclair possède une courbe caractéristique à crête aplatie, ce qui indique un temps d'éclair utile relativement long. Ces lampes ont une durée de combustion beaucoup plus lente et permettent un synchronisation avec les obturateurs à rideaux aux vitesses les plus rapides (identique au mode HSS ou FP des flashs modernes). |
On pourrait penser légitimement que Nikon a baptisé "auto FP" son mode de synchronisation haute vitesse actuel, au vu de la convergence technique avec cet ancien mode Flat Peak , il n'en est rien. Nikon choisi la modernité en faisant plutôt référence au type d'obturateur spécifique qui supporte la synchro flash, c'est à dire l'obturateur à rideaux qui se traduit par "focal plane shutter" en anglais, FP veut donc dire Focal Plane.
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L'éclair de la lampe Magnésium se caractérise par:
L'intensité de la lampe exprimée en Lumens par seconde peut être représentée par un courbe. En analysant la courbe spécifique à chaque catégorie de lampes on peut en déduire ses possibilités d'application. |
À terme les types de lampes et les synchronisations dédiées porteront le même nom, par exemple un appareil utilisant des lampes de type M, indiquera dans ces caractéristiques; synchro flash: type M ou M.
Dans les premiers temps les constructeurs d'appareils photos proposent des synchronisations propriétaires destinées exclusivement à un appareil ou à un flash avec des connecteurs dédiés. Dans le cas ou l'appareil peut utiliser plusieurs types de lampes, un sélecteur permet de choisir le type de synchronisation à employer.
Prontor et Compur, deux entreprises qui fabriquaient des obturateurs pour différentes marques ont décidé d'une interface commune, un connecteur coaxial de 3mm.
Carl Zeiss en intégrant systématiquement cette prise à ses objectifs à partir de 1953 en fera un standard.
C'est la prise synchro PC (Prontor et Compur) qui équipe encore nos réflex actuels (elle sert entre autres à brancher le flashmètre ou les flashs de studio). |
![]() Prise syncro PC Nikon FM (1973) |
À l'origine la griffe porte flash est une griffe porte accessoire, elle est présente sur le premier prototype de Leica, le UR réalisé par Oskar Barnak en 1913. Elle sert tout d'abord à fixer des accessoires comme par exemple le viseur optique Leica.

La griffe porte accessoire du Leica UR

Leica UR avec son viseur optique
Les autres constructeurs adoptent ce système comme un standard et certains l'utiliseront comme support pour leur flash à lampes. La griffe avec le contact central permettant de synchroniser directement le flash apparaît beaucoup plus tard, début des années 1950 (par exemple l' Argus C4 de 1951)
Origine de la pose B
La pose B qui a subsisté très longtemps sur les appareils argentiques fait référence à un des premiers systèmes de déclenchement et de temporisation des obturateurs: la poire en caoutchouc (B pour Bulb, Rubber Bulb, Bulb air blower, poire). La gestion du temps de pose était effectuée manuellement par un déclenchement pneumatique. L'appui sur la poire actionnait via un piston le mécanisme d'ouverture de l'obturateur et le relâchement produisait à l'inverse sa fermeture.
Le mode pose B des appareils plus récents reproduisant un comportement identique (l'obturateur reste ouvert tant que l'on appuie sur le déclencheur), c'est en vertu de cette action mimétique qu'il a été nommé Pose B (Bulb).
En 1925, Laurent et Augustin Seguin conçoivent le Stroborama, un appareil destiné à étudier le mouvement des pièces mécaniques à haute vitesse. Ils se servent d'un tube empli de gaz rare (Néon ou Krypton) dans lequel l'éclair est fourni par la décharge instantanée d'une étincelle électrique, l'énergie nécessaire à la décharge est stockée dans un condensateur. Ils réaliseront grâce à cet appareil des clichés au millionième de seconde. En 1925, ils déposent en France un brevet intitulé: dispositif d'éclairage à émissions instantanées de lumière, qui pose les bases techniques de l'éclairage au flash actuel (Un tube à éclat ou l'énergie est générée par un condensateur).
Brevet original des frères Seguin (1927 - US)
En 1939, le physicien Harold E. Edgerton, qui pratique également des recherches sur le stroboscope et que l'on présente souvent comme l'inventeur du flash moderne, dépose aux États Unis un brevet intitulé "Light-flash-producing system". Ce brevet à la différence du brevet français décrit un équipement transportable et envisage l'utilisation sur batterie. Harold E. Edgerton est un des premiers à utiliser un tube à éclat rempli de gaz Xénon, la caractéristique de ce gaz étant de procurer une lumière similaire à celle de la lumière du jour.
Brevet original d' Harold E. Edgerton (1939 - US)
À partir des années 1950, le flash électronique même s'il est encore encombrant va se démocratiser et adopter définitivement la technologie du tube à éclat au Xénon. L'avantage d'un éclair plus court sans latence va simplifier les problèmes de synchronisations et permettra bientôt au plus grand nombre de réaliser des photos instantanées.
Un nouveau type de synchronisation dédiée au flash électronique va voir le jour et sera baptisée synchro X (comme Xénon), l'éclairage électronique étant devenu synonyme d'éclairage au Xénon.
La double synchro M et X va perdurer jusque dans les années 1990 -2000, en particulier avec une intégration tardive sur les objectifs des moyens formats.
Il faudra attendre les possibilité de miniaturisation des transistors et des thyristors des années 60-70 pour que puisse s’effectuer la commercialisation de masse des premiers flash électroniques autonomes.
Bonjour, quelle est la conséquence si l’on a branché un flash électronique sur la prise flash magnétique d’un Rolleiflex ? Merci d’avance pour votre réponse
Bonjour,
Un trait d’humour pour commencer, la synchro magnétique par effet de champ ne sera inventée selon moi qu’en 2050. Comme il s’agit d’un Rolleiflex j’ai bien compris que vous vouliez dire magnésique…
Je ne connais pas précisément la synchro M du Rolleiflex, mais en toute logique l’incidence sera la suivante: le flash devrait déclencher mais avec une synchronisation inappropriée.
Pourquoi cette question ?
Cordialement,
Daniel BODIN
Bonjour je suis pas sûr d’avoir compris la synchro X se fait au début de l’ouverture de l’oburateur et la synchro M légérement avant à cause du retard à l’allumage des ampoules à magnésium ? si oui combien de temps avant exactement ?
Bonjour,
De mémoire il s’agit d’un retard à la crête de 20 millisecondes, soit 2 centièmes de secondes, si je ne me trompe pas dans la conversion… Et c’est un retard de synchro puisqu’il faut attendre le plein éclat (crête) de la lampe pour déclencher l’obturateur.
Cordialement,
Daniel BODIN
Toutes mes félicitations pour cet historique très complet du flash. J’ai cherché la signification des lettres PC de la prise synchro flash partout, même ChatGPT a répondu à coté, j’ai du lui signaler l’existence de votre page web ! 🙂
Vous pourriez créer ou modifier un article sur wikipedia pour partager vos connaissances sur le sujet avec la plus grand nombre.
Cordialement